Luciano Rispoli psicologo: Fondements, développements et perspectives des théories psychocorporelles.

in R. Meyer, G. Liénard (a cura di) “Les Somatothérapies” – Ed. Simep, Parigi 1992.


luciano rispoli psicologo fondements

Somatothérapies analytiques d ‘inspiration reichienne

Depuis le milieu des années 1980, le panorama scientifique dans son ensemble change, et ce, surtout dans le champ de la psychologie clinique et de la psychothérapie. Contre les positions herméneutiques qui renoncent complètement à une vérification scientifique s’imposent de nouveau la pensée de Popper et surtout la thèse de Grunbaum. Le problème de l’efficacité du traitement revient comme un point fondamental. Il n’y a pas, dans la conception moderne de la science, de séparation entre les sciences naturelles et les sciences humaines: toute théorie, dans chaque discipline scientifique, aide à l’enrichissement de la connaissance systématique du monde. La psychothérapie aussi est une science à condition d’effectuer une vérification constante de ses propositions théoriques et techniques et de poursuivre une recherche permanente et controlée. On peut effectuer des vérifications soit à l’intérieur des processus thérapeutiques, soit à l’extérieur, par des recherches épidémiologiques et le follow-up des résultats à courte ou àlongue distance. En m6me temps, les séminaires et Ies congrès se multiplient là où ori met en place des confrontations et des échanges entre les différentes études cii­niques et thérapeutiques. Ce n’est pas un hasard, si, de 1983 à 1987, nous avons réalisé avec les sociétés italiennes de végétothérapie et de psychothéra­pie corporelle (où nous poursuivons depuis 15 ans des recherches dans le domaine plus proprement clinique qu ‘est celui dè l’enfance: école maternelle expérimentale, centre diagnostique et thérapeutique, etc.), cinq congrès àcaractère international, avec la présence des modèles les plus significatifs de la psychothérapie. Et ce n’est pas un hasard si, depuis 1987 d’importantes rencontres se suc­cèdent dans le domaine du psychocorporel où se retrouvent les systématisa­tions les plus précises et les plus explicites: à Davos, s’est déroulé le premier congrès de body-psychotherapy; à Naples, nous avons réalisé le premier sym­posium international sur W. Reich ; à Mexico, le premier congrès international de body-psychotherapy ; nous en sommes au troisième congrès international de somatothérapie, au deuxième congrès européen de body-psychotherapy alors que le deuxième congrès international a eu Iieu à Montréal. Les temps pour un défi à la science sont mùrs, surtout dans un domaine qui se pose d’une façon tout à fait particulière dans le débat entre subjectivisme et objecfivisme, entre théories héréditaires et environnementales, entre organi­cistes et foncfionnalistes ou, sur un autre plan, entre les psychologies cliniques qui se refèrent uniquement à la pulsion, comme moteur de l’existence et du comportement, et celles qui s’appuient uniquement sur la relation. Dans le cadre théorique de la psychothérapie corporelle, c’est toujours le thérapeute qui interprète la réalité à travers lui-meme et ses retentissements intérieurs. Mais ses hypothèses, ensuite, peuvent etre vérifiées à travers des éléments d’objectivité, contròlables m€me par un observateur extérieur à la thérapie pourvu qu’il aille explorer d’autres niveaux et d’autres plans du pro­cessus, c’est-à-dire qu’il ne reste pas à l’intérieur de l’unique plan mental ou pire encore de quelques fonctions du mental, ni à l’intérieur du niveau phy­sique ou somatique. Le dualisme psyche-soma, dans une nouvelle approche, est désormais dépassé. Le modèle théorique du Soi corporel, auquel je travaille depuis plusieurs années, trouve son origine dans l’intuition fondamentale de Reich sur l’unité fonctionnelle entre psyché et soma, mais emploie toutes les ressources métho­dologiques et des données des recherches scientifiques des dix dernières années. En effet, l’étude de la première enfance et de la période périnatale a révélé que dès le début l’interaction entre l’enfant et l’ambiance extérieure est déjà très vive: il n’est pas isolé et surtout il possède toutes ses capacités émotion­nelles, cognitives et idéatives (meme si elles sont plus simplifiées) liées entre elles et au mouvement expressif et perceptif, à l’intérieur ou à l’extérieur. Il s’agit d’une vision du Soi « du haut » qui analyse en m6me temps plu­sieurs plans et procédés fonctionnels, qui embrasse les événements des quatre grandes aires dans Iesquelles est organisée la structure complexe de l’&re humain: l’émotionnel qui guide dans le choix des objets et des relations; le physiologique constitué des apparences et des systèmes intérieurs; le cognitif constitué des idéations, souvenirs, symboles et rationnalités; enfin le postural qui est constitué des mouvements, de la structure et du tonus musculaire, de la position, de la forme des différentes parties du corps.

Mais notre modèle tente surtout de recueillir des interactions entre les dif­férents procédés fonctionnels, 1) entre le domaine du Soi et de I ‘autre et àl’intérieur de chaque domaine, en remarquant, à partir d’une intégration pri­maire, les altérations et les dysfonctions qui interviennent, 2) dans le monde des relations d’objets, soit avec les aspects extérieurs soit avec le Soi-objet. Les dysfonctions constituent essentiellement des scissions et séparations entre les différents plans du Soi (ou à l’intérieur de chaque plan), des hyper­trophies et hypotrophies d’un procédé fonctionnel vis-à-vis des autres, d’un raidissement et d’une sclérotisation des parties du Soi qui limitent la gamme des stratégies, des mouvements, des idéations, des émotions. L’ intervention de scissions, de raidissements et de dysharmonies dans le développement produit une altération complexe du Soi, une modification de tout son état, un raidissement caractériel qui réduit la mobilité des différents niveaux fonctionnels. Nous ne parlerons donc plus de blocages corporels, de zones bloquées ou de tensions. Par exemple, nous dirons qu’il existe différents types d’altérations pathologiques du tonus musculaire, pas seulement dans le sens d’un durcissement mais aussi dans celui d’une limite du tonus de base dans une condition particulière qui peut aller de l’hypotonie à l’hypertonie. D’ une manière analogue, nous pouvons parler de raidissement dans une dimension émotive (par exemple rage-tendresse) ou idéative ou perceptive. etc. C’est ainsi que nait une construction tlìéorique complexe et argumentée qui satisfait les exigences les plus récentes d’un modèle clinique à la fois théorie du développement et de la personnalité, clef de lecture des altérations et de la pathogenèse et théorie des modalités d’intervention. Son application dans le cas des différents événements de la vie humaine et en particulier la grossesse, l’enfance, le groupe, la formation, etc., résultera seulement du développement des instruments de travail qui émanent du cadre tlìéorique général. On peut employer plusieurs techniques différentes, pourvu que dans la pra­tique thérapeutique un projet bien individualisé aide à l’analyse des facteurs de changement et des processus cliniques en relation avec la structure de la personnalité. Le modèle du Soi corporei est d’ autre part une construction théorique com­plexe et globale. Le concept du Soi ne se réfère pas seulement à des phases limitées de la vie enfantine, il se structure dans un deuxième temps, parallèle­ment aux premières expériences et aux premières relations, comme quelques auteurs le soutiennent. Il concerne aussi les phénomènes psychosomatiques àl’origine de la vie, ies réactions fonctionnelles et profondes qui restent ensuite emprisonnées dans la mémoire corporeile à plusieurs niveaux, les premiers conflits du nouveau-né encore directement liés à des émotions, les mouve­ments interactifs que i’enfant accomplit avec les noyaux profonds du Soi, pas encore séparés et altérés. Il est aussi possibie de considérer l’apparition de symptòmes physiques, ou de dérangements psychiques, ou de classiques maladies psychosomatiques, comme un seul processus d’aitération concernant les domaines fonctionnels du Soi. l’étude de ces derniers peut fournir une idée précise de la maladie (pourquoi telle ou telle forme?) et de la méthodologie à utiliser pour interve­mr. Le modèle du Soi corporei. élaboré en 20 ans d’expériences (conduites sur plusieurs plans et niveaux dans une optique multidimensionneile), et le domaine entier de la psychothérapie corporelie ne sont certainement pas carac­térisés par la banale affirmation de la présence du corps dans la pratique thé­rapeutique.

Et puis, justement, de quel corps s’agit-il?

Les théories du Soi, maintenant en fort développement dans les différentes branches de la psychologie, peuvent €tre une réponse valabie à cette question d’ autant plus qu’elles sont le terrain de rencontres possibles, particulièrement avec les sciences sociaies. Elles peuvent venir à notre secours m6me sur le plan plus strictement clinique et thérapeutique refusant désormais un usage aveugle. non scientifique de techniques et d’instruments. Il n’est plus possible de penser bouger le corps au hasard ou selon des directions fixes, comme de haut en bas ou du dehors vers le dedans. On ne peut pltts se limiter à reproduire uniquement des conditions de relaxation. Il n’est plus possible de fournir seulement des expériences émotionnelles qui n’aient un débouché thérapeutique précis. Les expériences régressives aussi bien que suggestives, si elles ne sont pas intégrées dans un processus com­plexe, peuvent &re dangereuses. Les modes d’explosions émotives, de dépla­cement violent, des phénomènes percutants sont enfin désormais relégués dans le passé.  Il est très facile de mobiliser lorsqu’on emploie des techniques au niveau physiologique ou postural, si riches de contenus et de réactions ; i ‘important est surtout de structurer un processus thérapeutique efficace, incisif, court, avec une démarche précise et dirigée. La théorie du Soi peut nous éclairer à propos des finalités globales et spé­cifiques da la thérapie: le nouvei équilibre de la structure du Soi, la réouver­ture de flux et les connections entre plans et niveaux, la nouvelle expansion des noyaux profonds originels érodés par la pathologie, la reconstruction de la mobilité et de l’étendue de toutes ies fonctions de l’organisme. Il ne s’agit pas d’une tàche utopique, dans le sens de l’absurde, mais d’une tension qui nous conduit continuellement à vérifier et à modifier nos théories et nos méthodes pour l’enrichissement de nos connaissances et de nos poten­tialités. Il s’agit d’arriver d’une fa~on toujours plus rapide et profonde au noyau originel du Soi, dans les domaines d’ intégration encore existante où mouve­ments, perceptions, émotions et pensées sont encore enchainés et riches de significations. Ce processus de régression psychosomatique permet de ne pas courir les risques d’ insuccès et d’ arr6ts, pas seuiement dans le processus thérapeutique, mais aussi dans celui de l’évolution de i’enfance. Il faut en effet éviter de sti­muler ies aires fonctionnelles déjà hypertrophiées ; il est nécessaire de ne pas trop insister sur celles qui sont fortement sclérosées ; il est dangereux d’ appro­fondir et d’intensifier des scissions déjà présentes. Au contraire, le travail thé­rapeutique consistera en une intervention patiente sur le rroyau profond. La régression doit alors s’ adapter à la configuration du Soi du patient, elle doit suivre les parcours d’accès facile, le long des plans fonctionnels les moins altérés et cristailisés, les plus vitaux et capables de mouvement. Ce « voyage » ne sera possible que gràce au travail relationnel avec 1’ ana­lyste, à travers un usage complexe du champ transférentiel, élargi à tous les plans du Soi corporei. Le « fu rouge » du parcours sera constitué par les stra­tifications émotionnelles et affectives (m6me par leur issue dans le rapport avec l’ambiance pendant ies différentes phases de la vie). Les stratifications nous guident à travers les postures, les districts corporels, les appareils physio­logiques et leurs altérations, dans une constellation complexe qui permet de descendre dans le profond bien plus que la conception forcée et mécanique des typologies le permet.  Le processus thérapeutique apparait ainsi beaucoup plus complexe mais aussi plus défini, dans les stratégies, en rendant possibie une vérification scientifique (possibiiité de répéter, prédire, etc.) non pas des histoires persòn­neiies, mais des phases générales qui se poursuivent dans le processus meme. A còté d’une narration historique des événements personnels que l’on ne peut répéter (histoire du patient, histoire du thérapeute, histoire de la relation thérapeutique), il y aura une narration scientifique qui intéresse les principes généraux vérifiables des processus et rend plus efficace le déroulement m~me de la thérapie. Les temps sont donc mùrs pour un défi au scientifique, non pas en tant que fin de lui-meme, mais comme défi au malaise envahissant, à la g~ne crois­sante, aux effets de plus en plus ravageurs du stress, de l’anxiété, de l’angoisse liés à un monde menacé dans sa survivance. La multiplication d’expériences lors des congrès, les rencontres avec les différentes disciplines scientifiques redéfinissent le domaine du psychocorpo­rel: nous nous dirigeons vers une réponse de plus en plus organisée face aux attaques deses besoins fondamentaux de l’etre humain. L’ avenir est justement dans l’étude des limites, dans l’exploration des domaines limites entre les différentes branches de la science si riches de nou­velles découvertes et de potentialités capables de faire jaillir une idée dans des secteurs trop fermés. Il faut toutefois qu’il y ait des modèles théoriques scientifiquement solides qui focalisent l’attention des chercheurs et ouvrent des perspectives com­munes de recherche. A mesure que nous réussirons à rassembler les individualismes et les concurrences stériles, à rendre fertiles de telles rencontres, à passer des expé­riences et des techniques aux grandes thématiques théoriques, à construire une théorie valide de la structure du Soi qui soit un point de rencontre avec les autres branches de la psychologie et de la science, alors, l’espoir pourra deve­nir finalement une certitude.